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Marche mondiales des femmes

mercredi 23 juin 2010.
 

marche Marche Mondiale des femmes : femmes en marche, femmes en lutte
Malgré la chape de plomb médiatique autour de la troisième marche mondiale des femmes qui a eu lieu les 12 et 13 juin 2010 à Montreuil, toutes celles et tous ceux pour qui le sort de plus de la moitié du genre humain intéresse, étaient au rendez-vous. Politiques, syndicats et associations ont donné de la couleur (plutôt rouge il faut le reconnaitre) à cette exceptionnelle manifestation. Certes, encore une fois, regrettons que les différentes composantes de la société ne fussent pas assez représentées, mais au regard de l’absence des caméras et de la presse écrite la plus achetée, nous pouvons avoir l’assurance de la sincérité de ceux et celles qui ont répondu à l’appel.
Impossible de résumer la teneur de chaque débat tant, à chaque fois, les prises de paroles furent riches et constructives. Nous nous contenterons d’évoquer certains moments forts et nous invitons les lectrices et lecteurs interessé-e-s à parcourir les liens en fin d’article.
La première partie de la matinée du 12 juin était consacrée aux biens communs et aux biens publics. Biens hautement menacés à travers le monde. Certes ce sujet transcende les sexes. Le système politique d’aujourd’hui nie radicalement les droits humains et le bien public. Pourtant quand on sait que dans le monde 70% des pauvres sont des femmes, on ne peut que se dire, qu’une fois de plus, elles seront les principales victimes d’un système inique. En effet, Claudine Blasco d’Attac nous ouvrit les yeux sur ce qui est en fin de compte un truisme : les coupes dans les budgets sociaux affectent en priorité toutes celles qui ont la charge de nourrir, éduquer, soigner leur famille. Le service public est un instrument puissant d’émancipation. Josie Riffaud, de la confédération paysanne a voulu sensibiliser l’assistance sur le problème de l’accès à la terre par le bien commun, en opposition avec l’accès privé qui monopolise, détruit et appauvrit les terres (monoculture, Monsanto …). Dans le monde, la ruralité est encore importante et dans ce type d’espace la femme occupe une place centrale.
Pour traiter du travail et de l’autonomie des femmes, deux interventions de très haut niveau ont suivi : celle de la journaliste Florence Aubenas et de l’économiste Rachel Silvera.
Florence Aubenas a relaté son expérience pour l’écriture d’un livre sur la précarité au travail. Son but premier n’était pas d’écrire sur les conditions de travail des femmes mais au fur et à mesure de son enquête elle a pris toute la mesure des différences de condition entre les deux sexes. Se faisant passer pour une quarantenaire au chômage, elle partit chercher un travail. Le pôle emploi lui proposa alors la chance de sa vie : femme de ménage. Payée 7 euros de l’heure elle subit diverses vexations et discriminations. Un exemple : les hommes qui travaillaient avec elle n’étaient jamais de corvée de toilettes ! Elle se rendit compte alors qu’elle était au cœur d’un monde de travailleuses précaires, où l’on « bricole », où « l’on fait des heures » mais où l’on oublie que la tâche accomplie est bel et bien un travail ! Mme Aubenas conclut par ces termes : « Il n’y a pas de travail digne ou indigne, juste des conditions de travail dignes ou indignes ».
Rachel Silvera enchaîna sur le thème de la précarisation du travail des femmes : nettoyage, caissière… Travaux rarement à temps plein ! Elle martela qu’il fallait condamner durement le temps partiel subi/contraint. En fait, beaucoup de femmes travaillent, mais à temps partiel, ne rentrant donc pas dans les chiffres du chômage et gagnant par conséquent beaucoup moins qu’un salaire minimum ! Elle rappela aussi que les écarts de salaire restaient d’environ 30% entre hommes et femmes. Elle exhorta enfin qu’on prît en compte la pénibilité du travail au féminin… De nombreux autres thèmes ont été abordés mais il est impossible de résumer la pensée de Rachel Silvera en quelques lignes, ce qui serait offenser la qualité de sa réflexion.
Autres points forts, les nombreuses interventions du public.
Le collectif de défense du centre IVG de Tenon s’est exprimé pour dénoncer la fermeture du centre. Un rude coup pour les femmes pour qui le temps d’attente va être augmenté de dix jours au moins. L’association pour le droit des femmes s’est dite « plus qu’optimiste, déterminée ».
Il y eut l’évocation du combat des caissières de carrefour grand littoral. De nombreuses semaines de grèves pour demander que les temps partiels soient embauchés à temps complet et pour l’amélioration du temps de travail. Un combat qui s’est terminé par une victoire, la porte parole de ce mouvement finissant son témoignage par un vibrant : « la CGT en est sortie grandie » (qui fera plaisir aux lecteurs et lectrices de cet article).
Les travailleuses sans papiers ont remercié, par un discours plein d’optimisme, les 11 organisations qui les soutiennent.
D’autres ont rappelé avec un certain humour que les femmes vivant plus longtemps que les hommes elles devront travailler bien au-delà de la retraite !
Une autre intervenante s’est interrogée sur la manière de calculer les écarts de salaire : « on se réfère toujours par rapport au salaire de l’homme ! Si un homme gagne 3000 euros et une femme 2000 on dira qu’il y a une différence de 30%... Mais si on part du salaire de la femme, l’homme gagne 50% de plus que la femme ! » A méditer.
Chacune de ces interventions étaient ponctuées par un travail théâtral (théâtre de l’opprimé, interactif et citoyen) et par une formidable chanteuse qui avec son accordéon a ému les quelques 600 personnes présent-e-s lorsqu’elle évoqua le thème des femmes battues, thème qui occupa la matinée du 13 juin.
L’un des moments les plus forts de ces deux jours fut le vibrant hommage rendu à Aline, décédée le 30 mai à Montreuil, assassinée par son conjoint. La sénatrice-maire de la ville prit alors la parole pour rappeler qu’en couple il n’y a pas un chef de famille mais une autorité partagée entre les hommes et les femmes, que l’enfant est une personne que l’on associe aux décisions qui le concerne selon son degré de maturité. Enfin que le souci constant de l’autre, de sa difficulté à vivre s’appelle juste l’humanité et que nous avons un devoir d’humanité.
La fin d’après du 12 juin était l’occasion d’une manifestation parisienne, belle et colorée. Les femmes unies dans la diversité, ont fait entendre leur voix et leurs revendications.
La matinée du 13 juin fut consacrée aux violences envers les femmes.
A l’heure où la loi-cadre contre les violences faites aux femmes passe enfin devant le sénat puis l’assemblée nationale (28 juin), la vigilance quant au risque qu’elle soit amoindrie, notamment par rapport aux femmes sans papiers, est plus que jamais nécessaire face à la politique d’exclusion du ministère de l’intérieur.
Coups, prostitution, viols, mariages forcés, dettes d’honneur, mutilations sexuelles …Le constat est toujours aussi accablant. Les statistiques ne cessent de s’affiner. Une femme meurt tous les deux jours des suites de violences conjugales. Le travail de recensement  effectué pour faire évoluer ces stats est d’une importance capitale pour évaluer l’ampleur et le coût de ces violences (2 milliards ½). Important pour définir une politique de lutte.
De même que pour déconstruire les préjugés enracinés dans la pensée collective, il faut comprendre comment agissent les agresseurs et faire le contraire.
De nombreux témoignages de femmes travaillant sur le terrain au sein d’associations, vinrent « illustrer » les difficultés et l’ampleur du combat à mener pour éradiquer toutes les violences envers les femmes.
Faire connaître aux femmes leurs droits, les associations qui peuvent les aider et interpeller les pouvoirs publics, apparaît comme une nécessité absolue.
Les syndicats, par le biais de panneaux d’informations relayant les coordonnées des associations d’aide, rappelant le code du travail, ont toute leur place dans la lutte contre ces violences.
De même, l’Education Nationale devrait s’inquiéter des absences, réagir, prévenir, prévoir un rapatriement si nécessaire. Un énorme travail de sensibilisation et de formation à ces questions est à accomplir.
La phrase d’une intervenante illustre la double tâche nécessaire à la disparition de ce fléau : « Les femmes sont capables d’ouvrir les portes fermées et de fermer les portes ouvertes. »
Dans un pays qui se dit démocratique et qui n’hésite pas à faire la leçon, il est choquant, au regard de la qualité des interventions et des intervenantes, de l’importance des thèmes abordés, que l’opinion publique ait été privée de ces réflexions. Peut être aurait-il fallu nous chausser de crampons ? Dire aux badauds que leur salaire mensuel équivaudrait à 30 ans du salaire d’une caissière ? Là, les femmes auraient été sûrement applaudies, écoutées…
Tant que toutes les femmes ne seront pas libres, nous marcherons !
www.mmf-france.fr ; www.mmf2010.info