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Le socle commun... Une vieille histoire...

jeudi 14 avril 2011.
 

LE SOCLE COMMUN UNE VIEILLE HISTOIRE

Depuis la rentrée 2010, l’approche par compétences (APC) tente de s’imposer en France à travers le Livret Personnel de Compétences (LPC) qui est obligatoire pour tous les élèves de 6 à 16 ans.

Selon les académies et les circonscriptions, la pression sur les personnels est plus ou moins forte. Ce LPC, adossé sur les programmes de 2008 peut être analysé et critiqué selon plusieurs angles:

-        syndical, avec la surcharge de travail et la modification de l'organisation du travail;

-        pédagogique, avec la question de la pertinence tant du fond que de la forme de ce livret;

-        politique enfin, avec la question de l'origine et du fondement théorique du LPC.

C'est ce dernier angle que nous aborderons à travers notamment les décisions éducatives menées au sein des institutions européennes.

Vingt-cinq années de gestation en quelques dates:

-        1983: création du puissant lobby patronal de la Table Ronde Européenne des industriels (ERT).Ce groupe de pression rassemble une quarantaine des plus puissants dirigeants de l’industrie européenne. Son travail consiste à analyser les politiques européennes dans divers domaines et à formuler des recommandations correspondant à ses visées stratégiques.

-        1986 signature de l’Acte unique :l'article 149 stipule que « La Communauté contribue au développement d’une éducation de qualité » mais toujours en « respectant pleinement la responsabilité des États membres pour le contenu de l’enseignement et l’organisation du système éducatif »

-        Fin 1989, un « groupe de travail éducation » de l’ERT publie un rapport intitulé « Éducation et compétence en Europe ». Ce sera le premier d’une longue série de documents affirmant « l’importance stratégique vitale de la formation et de l’éducation pour la compétitivité européenne » et prônant « une rénovation accélérée des systèmes d’enseignement et de leurs programmes ». On y lit notamment que « l'industrie n'a qu'une très faible influence sur les programmes enseignés », que les enseignants ont « une compréhension insuffisante de l'environnement économique, des affaires et de la notion de profit » et qu’ils « ne comprennent pas les besoins de l'industrie »

-        1992 : Entrée en vigueur du traité de Maastricht. Création de la DGXXII, la Direction Générale de l'Éducation, de la Formation et de la Jeunesse, au sein de la Commission européenne.

-        1996 : Publication du Livre Blanc « Enseigner et apprendre : vers la société cognitive »

-        23 et 24 mars 2000 : Sommet de Lisbonne, les ministres nationaux de l'Éducation avalisent officiellement les projets la DGXXII. Nom de code : « e-Learning ».qui vise à « mobiliser les communautés éducatives et culturelles ainsi que les acteurs économiques et sociaux  européens afin d'accélérer l’évolution des systèmes d’éducation et de formation ainsi que la  transition de l’Europe vers la société de la connaissance »

-        2008 : Réforme des programmes de l'Éducation nationale. Ils sont considérés comme réducteurs et rétrogrades par la majorité des acteurs de l'éducation.

-        2010 : Le LPC devient obligatoire pour tous les élèves de 6 à 16 ans.

Les grandes orientations

Les axes principaux du discours européen sur l’éducation peuvent se résumer en quelques mots: compétences, apprentissage tout au long de la vie, TIC, dérégulation, lien avec les entreprises, diversification, harmonisation, mobilité, citoyenneté, lutte contre l’exclusion.

Mais sous ces formulations, dont certaines peuvent sembler familières aux enseignant-e-s que nous sommes se cache une conception particulière de l'Éducation. Ainsi la citoyenneté se traduit par l'instruction civique et morale (programmes de 2008) en France, et par des compétences « sociales » relatives à « l'esprit d'entreprise » au niveau européen.

Un contexte économique particulier

La politique éducative européenne naît et se développe dans un environnement économique et social qu’il faut bien prendre en compte si l’on veut en comprendre la cohérence et la logique. Cet environnement, se caractérise par l’exacerbation des luttes concurrentielles à l’échelle mondiale, le recours accéléré à l’innovation technologique et la dualisation sociale.

Sur l'instabilité du monde économique, il n'est qu'à se souvenir des milliers d'emplois détruits dans note pays suite aux diverses fusions restructurations et autre « licenciements boursiers ». Eton somme l'École de fournir des travailleurs adaptables à ce monde du travail.

L’école au service de la compétition économique

Si l’on admet le postulat que la compétition économique est le seul, ou en tout cas le meilleur mode de régulation des activités humaines quelles qu’elles soient – et telle semble bien être aujourd’hui l’idéologie dominante dans les cénacles européens – on ne s’étonnera pas que l’enseignement, à son tour, soit pensé essentiellement comme un moyen de soutenir la compétitivité des entreprises. En matière de politique éducative, cela signifie aujourd’hui trois choses : (1) assurer la qualité du capital humain par une adéquation optimale école-économie, (2) utiliser l’école comme levier pour soutenir les marchés émergents et (3) se positionner dans la conquête du marché de l’enseignement.

Et la réponse à la dualition sociale (20% de cadres et 80% d'exécutants pour aller vite), sera une dualition scolaire. Le socle commun pour le grand nombre, les études supérieures pour les autres.

Du rôle de la Commission européenne

Depuis la fin des années 80, on assiste à une intervention croissante de la Commission européenne dans la sphère éducative. L’orientation majeure de cette intervention est de stimuler une politique d’enseignement commune, dont les ambitions sont clairement d’ordre économique.

Les États européens se laissent-ils donc mener à la baguette par la Commission ? L'inscription des politiques éducatives dans un cadre européen permet de limiter les éventuelles prises de positions de tel ou tel autre ministre de l'Éducation contre ce type d'éducation qui répond aux exigences des lobbies patronaux. Mais elle permet aussi à d'autres, à priori en accord avec ces politiques de faire face à l'opposition de leur opinion publique en se réfugiant derrière « nos engagements européens » et en promettant de « défendre nos spécificités ». La Commission européenne permet donc à beaucoup de mener tout haut les politiques qu'ils souhaitent tout bas.

Une vidéo:

Dans le film « Le cartable de Big Brother » (1999), Francis Gillery amorçait son enquête sur la vaste entreprise de démolition du système public d’éducation et de la culture (via la complicité active des médias). Comment, petit à petit, en influençant les gouvernements, les Etats et l’opinion, et en s’immisçant dans les moindres rouages de la vie sociale et intellectuelle, on en arrive à uniformiser le savoir, à appauvrir l’enseignement et à tuer dans l’œuf l’esprit critique ; comment on en arrive à confisquer le débat public en camouflant par exemple les négociations en cours à l’OMC visant à libéraliser les services publics et les institutions.

http://video.google.fr/videoplay?docid=7194650463977751860&q=genre%3APOLITCAL#

SOURCES:

Pour l'essentiel, cet article est un résumé de Nico HIRT (2002): L'Europe, l’école et le profit. Naissance d’une politique éducative commune en Europe

(http://www.skolo.org/spip.php?article55 )

Sur ces sujets, on consultera avec profit le site de l'APED : L'École Démocratique (http://www.skolo.org )